Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/297

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qui renaît, qui refleurit plus vivace que jamais. Et il ne renait pas seulement dans les vers de quelque poete bizarre, qui aspire à se distinguer de ses confrères, mais dans les vers d’un poëte qui devient aussitot un chef d’école, et qui se voit entoure de disciples tous paiens comme lui, infiniment plus païens que ne l’étaient les vieux classiques, païens d’âme et d’imagination, païens jusqu’au bout des ongles, qui ressuscitent les noms oubliés, qui, en français, appellent Neptune Poseidon, Junon Hera, le Ciel Ouranos, et qui parlent de ces divinités avec le respect des croyants pour le Dieu qu’ils adorent. C’est un des traits les plus singuliers de la poésie française moderne que ce rajeunissement inattendu d’une antiquité qu’on croyait morte ; elle passe ainsi par-dessus la tête de ceux qui en ont été les premiers initiateurs, pour rejoindre, par delà, André Chénier, et pour reprendre avec lui, dans un sentiment tout nouveau de ferveur, les aspirations confuses de la Renaissance.

Encore une fois, est-ce bien sérieux ? Plusieurs en doutent. Et il semble impossible de ne pas reconnaître quelque trace de parti-pris dans telle de ces évocations tardives. Avant Leconte de Lisle, Victor de Laprade avait ouvert la voie a toute cette renaissance mythologique par une hardie personnification des produits de la nature, et principalement des grands arbres. Rencontre-t-il un beau chêne,