Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/312

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ne croyait, et que le tout est de savoir s’en servir. Chaque jour y fait decouvrir de nouvelles richesses musicales, de nouvelles puissances descriptives. Manié par Leconte de Lisle le vers français a paru s’allonger, mais de la bonne manière, par l’expression et non par l’adjonction de quelques syllabes de plus, comme le proposait un de vos poëtes, esprit ingénieux et vrai poëte, malgré cette hérésie, qui ne fut peut-être qu’une fantaisie.[1] Le motif mélodique n’en est pas toujours aussi chantant que dans les morceaux à strophes de Lamartine ; mais il n’est pas moins musical, avec des effets bien autrement variés, et qui vous bercent parfois plus voluptueusement encore. Ce n’est pas l’orgue dans le temple, répandant à flots l’harmonie ; ce n’est pas le chant qui s’élance rythmé par le battement même du cœur ; c’est l’orchestre de la nature, avec ses instruments au timbre divers, ses voix, ses bruits, ses soupirs, ses murmures. J’ai entendu comparer la poésie de Leconte de Lisle avec celle des Orientales de Victor Hugo, et je ne veux pas nier qu’il n’y ait çà et là matière à quelque rapprochement, mais les différences l’emportent sur des ressemblances plus apparentes que réelles. Les Orientales de Victor Hugo sont des Orientales d’Occident ; elles sont brillantes, mais c’est le brillant francais ; c’est l’Orient vu du collège, ou du cénacle, ce qui revient à peu près au même ; l’Orient matière

  1. Henri-Frédéric Amiel.