Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conciliés n’auront plus de cachette où se refugier. Ne restera-t-il donc rien de l’œuvre des Parnassiens ? N’est-ce qu’une mode qui passera, sans profit pour l’histoire ? Leur voix se sera-t-elle perdue dans le désert, et n’aurons-nous recueilli de leur bouche aucune parole utile ? Non, messieurs. Peu à peu les poëtes descendront des hauteurs où ils se dérobaient à nos regards. Ils s’ennuient sur leur Parnasse, et nous-mêmes nous commençons à nous ennuyer d’eux. Plusieurs sont déjà descendus parmi les disciples de Leconte de Lisle, et l’on commence à pouvoir juger de ce que la poésie française aura appris à son école. Elle y aura appris à dire beaucoup de choses qu’elle n’avait pas encore dites. Le vers se sera assoupli, enrichi. Tout un travail a été fait là-haut, dans la solitude de la montagne, par ces anachorètes de l’art, un travail dont tout le monde profitera. Il n’y a pas encore longtemps qu’on parlait du vers alexandrin comme d’un vers lourd, massif, gauche, guindé et forcément monotone ; on commence à comprendre que c’est une des plus flexibles parmi les grandes formes métriques des langues anciennes ou modernes, une des plus riches en ressources imprévues et variées. On parlait de la langue de la poésie française comme d’une langue rebelle, sans ressort, sans libertés, asservie aux règles et aux usages stricts de la prose ; on commence à comprendre qu’il lui reste plus de libertés qu’on