Page:Ramuz - Aline, 1905.djvu/47

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suis pas gentille de me cacher d’elle, mais on ne peut pas faire autrement. » Et puis l’idée lui passait. L’amour faisait qu’elle avait pitié des bêtes qui souffrent, des vers qu’on coupe en labourant et des fleurs qu’on écrase. Il y avait au village une jeune fille qu’on menait dans une charrette à trois roues ; ses jambes avaient séché quand elle était petite et elle ne pouvait ni marcher, ni se tenir debout ; aussi elle n’avait pas grandi, elle était restée comme un enfant, mais sa tête était très grosse. Et Aline pensait : « Mon Dieu ! la pauvre fille ! » « Et puis, pensait-elle, si j’étais comme elle ! » Et elle se réjouissait d’être alerte et vive, avec ses bonnes jambes, pour aller à ses rendez-vous.

Julien venait, les mains dans ses poches. Quand il arrivait le premier, il se cachait. Aline le cherchait et, tout à coup, lors-