Page:Ramuz - Aline, 1905.djvu/61

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faut. Si je rencontre Julien, je ferai semblant de ne pas le voir ; s’il m’aime bien, c’est lui qui viendra. Il dira : Je veux me marier avec elle. Ce sera bien plus agréable, je n’aime pas quand on se cache. » C’est ce qu’elle se disait. Et elle allait dans le jardin, avec sa petite ombre bleue et l’été qui chantait parmi les carottes et dessus les murs.

Mais il se passa que son amour, ayant grandi comme une plante sous une dalle, dérangea ses raisonnements et la fit souffrir. Et il poussa toujours plus fort et elle souffrit toujours plus. Il lui semblait que chaque jour en passant jetait une pierre dans son cœur ; et il devenait si pesant qu’elle tombait de fatigue. Elle perdit ses joues roses et l’appétit. Elle regardait vers la route, cherchant Julien des yeux. « Où est-il ? se disait-elle ; comme je voudrais le revoir ! » Et chaque soir, au soleil couchant, quand