Page:Ramuz - Joie dans le ciel.djvu/11

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menant à un perron d’où on entrait dans la cuisine, elle tenait croisées l’une sur l’autre ses longues mains maigres en bois brun ; et la petite Jeanne, elle, était venue en courant, elle était venue d’abord si vite qu’elle pouvait, puis elle a été immobile aussi ; mais, parce qu’elle avait le cœur tout jeune encore, un cœur tout neuf et prêt à croire, pas le cœur trompé de plus tard, c’est elle qui est repartie en avant la première ; et le cri lui sort de la bouche : « Grand’mère, grand’mère, est-ce toi ? »

Elle est venue. Elle s’est mise tout contre la grosse jupe à plis et le corsage de grosse laine, tout contre le coutil à rayures du tablier ; — là, elle se lève sur la pointe des pieds, levant également les bras, levant ses yeux et sa bouche : « Grand’mère, c’est toi ! je te reconnais… Et, toi, tu ne me reconnais pas ? »