Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/144

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dage où il faisait une guirlande avec ses lièges et ses plombs ; elle sourit, elle secoue la tête.

Elle était avec nous, elle était comme une parure qu’on aurait eue à notre vie. Maintenant on avait les pieds pris jusqu’à la cheville dans ces paquets enchevétrés et encore mouvants, comme des entrailles fraîchement sorties ; une grande odeur forte et sucrée s’en élevait. « On a bientôt fini, » disait Rouge, et encore une fois il la regardait ; alors pourquoi à ce moment est-ce qu’elle avait penché la tête ? c’est quand on arrivait à la seconde des deux bouées, puis on heurtait ce second demi-tonneau, parce qu’on touchait à la fin de son travail ; ― mais ce n’était qu’ensuite qu’elle paraissait se réveiller comme si son esprit avait dormi pendant tout ce temps.

— Eh bien, ça y est, disait Rouge… Allons, Mademoiselle Juliette, à la manœuvre ; on a de nouveau besoin de vous…

Elle se secouait, regardant à droite et à gauche. On s’en retournait vers la rive. C’est ces matins de pêche de cinq à sept heures ou à huit. Maintenant les deux hommes en ramant tournaient le dos à la terre : ils faisaient face au soleil. On venait du levant et de là où est Jérusalem, pour aller vers le couchant, et ces roseaux de l’embouchure de la Bourdonnette qu’elle voyait grandir, faisait un mur, tandis qu’en avant de ce mur et jusqu’assez loin vers le large il y avait dans l’eau une tache jaune. On s’avançait vers la haute falaise, puis on tournait un peu, et de là on découvrait la maison sur la grève avec son toit de trois couleurs. Personne nulle part ; ce n’est pas