Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/143

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mains et entre leurs doigts, puis en tombant elle s’éteint, mais une autre vient déjà, tandis qu’il y en a encore autour de vous tant qu’on en veut, il y en a partout : à la cassure du moindre pli, à la crête de chaque petite vague…

Ah ! comme elle est pourtant bien à sa place, ici, pendant qu’elle était là et regardait. Maintenant elle ne pouvait plus s’aider, mais elle regarde. Ce soleil n’a point fait de distinction entre elle et eux, quand il est venu. Le soleil l’aime autant que nous, ses vieux habitués, ses compagnons de chaque jour. Elle est frappée sur une joue, à une tempe ; elle est frappée sur une partie de ses cheveux où il y a des mèches plates qui brillent comme des lames d’acier. Le grain de sa peau sur son cou, sur le côté de son cou, et par devant, à la naissance de la gorge, se marque. Elle allait bien dans la lumière où ce qui est rond s’arrondit et avec le contour légèrement doré de son bras. Elle avait les mains autour de ses jambes. Elle se tournait en arrière vers le soleil montant tout rond au-dessus de la montagne qu’il quittait par secousses comme si la montagne le retenait et il lui disait : « Lâche-moi ! » Déjà l’air tiédit et déjà, à cause de cette tiédeur, la grande odeur du poisson se fait sentir, pendant qu’elle a sur le côté de la jambe cette poussière de lumière et il y a des taches de lumière sur son épaule, le long de son corps. Alors voilà que Rouge, sans lâcher son filet : « Eh bien, Mademoiselle Juliette, ça va bien ? vous ne vous ennuyez pas trop ? »

Déjà le filet, poignée à poignée venait pendre contre le bor-