Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bons de Panama, tu ne te rappelles pas ? non, tu es trop jeune… Et tu as raison, reprenait-il, ça doit être déjà à moitié nègre dans ces pays-là ; tu ne sais pas qui était sa mère ?

— Je ne sais rien, rien, rien…

Mais du moins était-il facile de voir qu’elle n’avait pas eu besoin de faire un long chemin pour s’embarquer :

— Et, ensuite, il tire vers nous, mais je ne sais pas trop quelle route il prend…

C’était du bateau que Rouge parlait, allant avec son doigt vers l’est :

— Parce que c’est plein d’îles… Si c’est entre Cuba et Haïti, ou entre Saint-Domingue et Porto-Rico, ou entre Porto-Rico et les… Attends…

Il lisait le nom sur la carte :

— Les Îles Vierges… pour sortir de la Mer des Antilles ; mais ensuite, comme qu’il en aille, on est dans l’Océan Atlantique…

Il s’arrêtait encore une fois, étant arrivé au bord de la carte, il fallait qu’il revînt en arrière dans l’atlas jusqu’à la planche représentant l’Afrique qui ressemblait à une grosse rave ; l’échelle n’était plus la même, Rouge s’embrouillait.

— Attends il faut trouver le degré. Le 20me… Là, tiens, juste en face du cap Blanc…

Et là enfin l’océan était grand ouvert devant nous, tandis que Rouge cherchait à se l’imaginer, parce que, nous, on a bien de l’eau, mais elle est petite. Cent kilomètres tout au plus dans un sens, dix ou douze dans l’autre, une eau petite