Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/181

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bouteilles d’Aigle 23, parce que c’est du tout bon. Tu te souviens, on en avait bu une bouteille avec Perrin, l’année passée, quand Perrin avait perdu son pari… Et puis écoute, Décosterd, une fois que tu as les bouteilles, tu prends par les ruelles de derrière… Tu sais où est l’atelier de Rossi ? Eh bien, tu n’as qu’à entrer, le petit bossu sera là ; il va venir nous faire un peu de musique… Je lui ai dit que tu viendrais le prendre, parce qu’il vaut mieux qu’il ne vienne pas seul… Tu l’amènes avec les bouteilles et ne te gêne pas pour passer devant chez Milliquet, au contraire, du moment que c’est ton chemin… Et même arrange-toi de manière à laisser sortir du sac le cou des bouteilles ; ça l’enragera encore un peu plus. Il ne faudrait pas s’en priver, du moment qu’on fait une fête… Tu comprends, dit-il, elle s’ennuyait ; c’est naturel, on vivait ici comme des vieux… Et, dit-il, on n’est pas si vieux que ça, on n’est pourtant pas des vrais vieux, des vieux tout à fait, des vieux pour toujours… hein ? Décosterd.

C’est comme ils finissaient de raccommoder les filets dans le tomber du jour, derrière la remise, et n’étaient que les deux derrière la remise ; Décosterd a été se laver les mains avec du savon.

Il va sur le bord de la grève et s’accroupit là où les cailloux prennent fin, faisant place à une étroite marge de sable que les petites vagues tout le temps s’amusent à descendre et à monter, comme des petites filles un talus.

Une vient. Décosterd la prend dans ses mains.