Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/183

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Il a été prêt à temps. Même il a eu assez d’avance pour aller à la rencontre de ceux qui venaient, quand ils sont venus. Il commençait à faire sombre, parce que le ciel s’était couvert ; on voyait juste encore la différence de grandeur des deux hommes. On a vu juste aussi l’instrument dans son étui de toile cirée faire sa bosse, une autre bosse sur la hanche du bossu. Rouge fait signe de loin aux deux hommes de l’attendre. On commençait à voir une petite étoile pâle et blanche dans une bande de ciel vert, entre deux nuages, du côté du couchant. « Ah ! bon, dit Rouge, qui arrivait, je vois qu’on peut compter sur vous… » Et au bossu : « Vous êtes un tout bon, vous, un vrai… Merci. Seulement, je voulais vous dire… Dis donc, Décosterd, tu as le vin ? »

Et, comme Décosterd a le vin, tout va bien. Décosterd fait signe de son seul œil que si la chose ne se voit pas, ou ne se voit plus, il y a du moins son dos qui s’en doute, puis on a été trois amis qui se sont entendus pour que tout aille bien par la suite, du moment que tout a bien été jusqu’ici. « Écoute, dit Rouge à Décosterd, garde les bouteilles pour le moment. Il ne faut pas qu’elle nous entende marcher. On se tiendra, nous deux, près des filets… Et vous (ce n’était plus à Décosterd qu’il s’adressait), il vous faut faire tout doucement ; vous irez vous asseoir sur le banc. Vous ne commencerez que quand vous serez prêt, mais alors partez à plein… »

Et on a fait comme Rouge avait dit. Elle n’a pas dû