Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/192

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C’était dans le même moment que Décosterd commençait à être inquiet au sujet de Rouge ; et le petit Maurice Busset se glissait hors de chez lui par la fenêtre : Rouge, lui, avait pris Décosterd à part pour lui dire qu’on venait rôder la nuit sur la grève. Et tout juste si Décosterd n’avait pas haussé les épaules ; mais voilà que, peu de temps après, il n’avait pas pu s’empêcher de penser que Rouge ne se trompait peut-être pas autant qu’il en avait l’air. Décosterd était avec le bossu (et c’était la troisième ou quatrième fois qu’il le reconduisait ainsi jusqu’à sa porte), quand il lui a semblé entendre, lui aussi, qu’on marchait.

Décosterd, avec le bossu, suivait le bord de l’eau et venait d’arriver devant le bois de pins ; c’est là qu’il lui semble entendre des pas et qu’on les suivait. Il n’a rien dit ; le bossu semblait n’avoir rien remarqué. Il faisait une nuit très sombre. Et Décosterd ne s’était même pas arrêté, ayant été comme toujours jusque devant chez le bossu. Il avait bien le sentiment qu’on avait continué de les suivre ; il ne distinguait pourtant toujours rien, les luminaires du ciel continuant à être tout disparus derrière leur gros papier d’emballage.

Ce ne fut qu’un peu plus tard, comme Décosterd était seul : il a entendu qu’on s’approchait. Cette fois, les pas étaient plus distincts et remontaient la ruelle que lui-même était en train de descendre. Le bruit des pas s’est tu ensuite ; il a compris qu’on l’attendait. Et d’abord il n’a rien pu voir, pendant qu’on s’avance vers lui, puis :