Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/193

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— Ah ! c’est vous M. Maurice.

C’est le fils de notre syndic, c’est un garçon très bien élevé. On ne pouvait pas le voir, on voyait seulement la couleur blanche de son chapeau de paille. Sur un fond d’eau, peut-être légèrement moins sombre que les espaces qui nous entourent entre les murs, on a fini par distinguer tout juste la couleur blanche de son chapeau, et celle aussi de sa figure.

Il était plutôt pâle de teint et mince, parce qu’il avait étudié. Son père, le syndic, lui avait fait faire son collège. Il enjambait chaque soir la fenêtre, il se laissait descendre sur le toit du poulailler…

Malgré que la ruelle fût déserte, une vieille prudence avait conseillé Décosterd ; il avait pris Maurice par le bras et l’avait entraîné derrière les remises. Ici, rien que du foin, de la paille, des machines agricoles, des outils, et rien, en fait d’êtres vivants, que des souris et les chats, quand ceux-ci veulent bien encore faire leur métier et ne pas se laisser trop attirer par les rencontres dont ils ont l’occasion dans les vergers au clair de lune. Point d’oreilles, ici, du moins de celles qui peuvent comprendre, et point d’yeux qui puissent connaître, ce qui est encore autre chose que de voir. C’est pourquoi il tire d’abord Maurice derrière ce mur ; puis, à une demande de Maurice :

— Oh ! M. Maurice vous n’y pensez pas… Il deviendrait fou… Il a un fusil, vous savez… Il l’a emprunté à Bolomey… Si vous veniez, il serait capable de vous tirer dessus… Ça