Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

je vais vous dire, moi, j’ai eu une idée. Est-ce qu’on ne pourrait pas la faire partir, si vous voulez bien nous aider ?… On est quand même quelques-uns qui s’occuperaient de la chose. Il y a Alexis, qui veut bien. Alexis, Bolomey, vous peut-être… J’ai une vieille tante à Bougy qui vit seule ; je pourrais lui demander de la recevoir. Vous, vous nous aideriez… Il y a justement la fête de la Fleur-de-Lys dans trois semaines… Si elle pouvait y venir. Oh ! ce serait beau si elle venait. Et ce serait une bonne occasion…

— Et le bossu ? dit Décosterd.

— Il viendrait avec elle. Il faudrait qu’ils viennent ensemble. Il pourrait toujours ensuite aller la voir à Bougy, ça n’est pas tellement loin. Moi, je dirais à ma tante de s’offrir à la prendre chez elle ; c’est une sœur du père de mon père ; elle m’aime bien, elle fait tout ce que je veux… On pourrait sûrement arranger la chose, si vous vouliez seulement nous donner un coup de main, parce qu’on ne pourrait rien sans vous, bien sûr, et même c’est vous qui pouvez tout…

Il y a eu un petit silence, on ne voit rien. Et donc il y a eu juste le temps qu’il a fallu à Décosterd pour porter la main à sa nuque parmi ses cheveux coupés ras sous la casquette ; après quoi, on a entendu :

— Ma foi… Moi, c’est Rouge qui me fait peur… Et puis je trouve aussi que ce serait… oui, ce serait dommage…

Et un petit silence encore :

— On verra ça.