Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/200

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chez Milliquet. À neuf heures déjà, tout était fermé chez la vieille ; et lui, alors, à coups de poing d’abord, puis à coups de pied dans la porte ; mais, elle, derrière les contrevents : « Tape, tape seulement, tu as le temps, ça t’apprendra… » Ainsi les vagues parmi un bruit de verre cassé, pendant qu’on tire le canon, ainsi les vagues vers Redenges ; et peut-être que ce sera tout, pour toujours, peut-être qu’il n’y aura plus jamais autre chose ; mais elle est là du moins, et il la retrouve à côté de lui. Alors il lui a montré dans le ciel une place où il y avait un trou comme quand on a percé une fenêtre dans un mur et, sur les bords, les mœllons dépassent :

— Ah ! a-t-il dit. Juliette… Juliette, a-t-il dit, voilà le beau temps… La bise reprend par en haut.

Et on voyait qu’elle levait la tête, regardant dans le bout de la main qu’il tendait les nuages comme des quartiers de roc, noirs ou couleur d’ardoise, bruns et veinés de gris, s’avancer l’un par-dessus l’autre, puis rouler ensemble contre la montagne comme quand il y a un éboulement. Elle voit qu’il y a dans le ciel une grande bataille et le ciel se transforme continuellement. Ici, le vent vous vient contre la figure et le corps par grosses bouffées molles, par espèces de boules d’air qu’il pousse devant lui des deux mains ; mais là-haut : et en effet Rouge :

— Demain, on a le beau, dit-il… Et ça vous fera plaisir ou quoi ? La pluie, ça ne vous allait pas tant. Juliette, a-t-il dit, la pluie, ça vous rend triste…