Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/215

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haut, si bien que le regard s’écarte d’elle finalement pour être dans l’air ; et Bolomey voyait l’air vide, car il n’y avait pas le plus petit nuage au ciel, ni rien à voir plus bas, ni de vous à là-haut. Et justement un train passait, mais on ne le voyait pas, lui non plus ; il faisait seulement son bruit, un bruit non situé, un bruit qui est ailleurs, qui est partout et nulle part, qui a rempli toute la corbeille du terrain sans qu’on pût savoir d’où il venait, ni où il va : comme un commencement d’orage, comme quand une averse de grêle s’approche ; puis tout à coup le bruit se tait… C’était Décosterd qui se dévouerait. C’est lui qui se chargerait de Rouge. Nous autres, pendant ce temps, on se chargera d’elle… Bolomey quitte le pilier du regard, car il ne l’y avait appliqué que pour en mesurer la hauteur : disons trente mètres. Il n’avait d’ailleurs pas sa ligne ; on est plutôt ici pour voir ce qui se passe, parce qu’ils m’ont dit : « Veille-toi du côté de la gravière et le long de la Bourdonnette. » Bon. Il trempe ses bottes dans l’eau profonde. Il redescend le courant. On entendait que c’était un dimanche. Le train depuis longtemps avait tu son petit orage ; lui redescendait la rivière en dessous des bois de sapins. Et là-haut on entendait crier ; là-haut des voix s’appellent ou bien on chante ; un dimanche et ses promeneurs, tandis qu’il y a encore ceux qui vont chercher des champignons dans leurs cachettes, les bolets (comme on les appelle) ou les chanterelles.

Il arrivait en dessous de sa maison. Là, on le voit qui remonte