Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/219

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content ; il hochait la tête, il disait : « Est-ce que c’est prudent, Juliette ? »

À ce moment, il voit que Bolomey est là ; alors il s’est tourné vers lui, il recommence :

— Qu’en penses-tu, Bolomey ? Elle voudrait aller faire un petit tour avec le bateau…

— Pourquoi pas ? a dit Bolomey.

— Tu vois bien ce qui se passe.

— Il ne se passe rien du tout, a dit Bolomey, tu peux être tranquille, j’ai fait ma tournée en venant.

Mais Rouge continue à hocher la tête. Il ne portait pas son beau costume. Il avait des vieilles savates de cuir sans quartier et où ses pieds étaient dans des chaussettes de coton rose. Il secoue la tête. Il met ses coudes sur ses genoux.

Et cependant là-bas, ça appelait toujours ; deux villages au lieu d’un appellent et c’est le même. Deux pointes de montagne et non plus une, deux parois de rocher qui brillent comme des feuilles de fer-blanc, parce qu’elle n’est pas encore là. Il y a aujourd’hui le double de voix pour appeler. La bise était tombée tout à fait ; la chaleur devenait de plus en plus forte sur le sable, sur les galets, sur le banc même, quoique en bois ; sur l’eau qui commençait à fumer blanc et elle tremblait au large sous la buée. On entendait chanter en haut de la falaise où des familles devaient être installées devant la belle vue, et maintenant la curiosité ramenait du monde sur l’autre moitié de la grève, pendant qu’au large, et venant à vous par