Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/220

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des manœuvres, il y avait une grande barque à coque noire sous ses deux hautes voiles entrecroisées. Et elle, pour finir, elle n’a pas pu ne pas entendre, quand même Rouge sur son banc continuait de dire non ; on l’a vue qui s’était levée. Bolomey se tenait assis à côté de Rouge sur le banc. Rouge ne disait plus rien. Les bras en travers des genoux, il tirait sur sa pipe éteinte.

C’est cet avant-dernier dimanche ; jamais il n’avait fait si beau. Là-bas, on les voit courir sur la barque, amenant à eux le bas des voiles, tandis que celui qui est au gouvernail pousse de toutes ses forces avec le dos contre la barre. Ils viraient tout le temps de bord, allant tantôt de l’est à l’ouest, tantôt de l’ouest à l’est, parallèlement à la rive, qu’ils pouvaient passer en revue et examiner à fond chaque fois. C’était après qu’ils avaient joué aux cartes et avant de recommencer à jouer ; mais maintenant ils se tenaient assis le long du bordage. Le grand mât noir se tortillait au-dessous d’eux comme un serpent coupé en morceaux, un serpent plus gros que la cuisse, et les voiles étaient comme des flaques d’eau d’amidon qui allaient toutes du même côté. Faisant face à la rive, ils en apercevaient toute la belle disposition ; elle s’offrait à eux de son commencement à sa fin, avec chacun de ses étages. Ils ont eu vite fait de voir qu’elle s’animait toujours plus.

Le grand Alexis avait été chercher son cheval à l’écurie après avoir ôté son gilet et son col ; Maurice s’est de nouveau glissé sur la falaise. On voit le grand Alexis descendre le