Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/53

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On voyait parfaitement que Rouge avait les bras croisés sur son maillot de laine bleu-marine ; on pouvait même voir la fumée de sa pipe montant autour de sa figure et allant au-dessus de ses épaules bleues avec son bleu beaucoup plus pâle.

C’était du haut de la falaise, dans ce commencement de juin, quand les Grands Bois derrière vous étaient encore pleins de cris d’oiseaux dans leurs cavernes, au-dessus de la mousse éclairant en vert et qui sentait fort. Elle sentait humide et frais jusque parmi la sécheresse des cailloux, pendant qu’ailleurs l’eau brille sec et avec les feux du métal sous son étamage neuf. Les deux hommes faisaient deux taches noires, ils continuaient de faire deux taches noires, étant vus d’en haut et aplatis ; ils faisaient deux taches ovales sur le galet gris (de près rose, bleu clair, violet, blanc). Et de nouveau Rouge, les bras croisés, hochait la tête sous sa casquette, pendant que le cri des oiseaux venait avec des explosions, comme quand on tire le mortier, faisant trembler les vitres dans leur ciment. Le grand bruit venait de la terre, au lieu qu’il n’y avait sur l’eau que du silence, quand seulement une petite vague à ourlet brillant, puis avec une partie arrondie, vient de temps en temps sur la rive et s’y étire en montrant ses griffes.

Rouge, les bras croisés, considérait sa bâtisse.

Il considérait la remise de bois à laquelle la partie en maçonnerie faisait suite, avec une chambre et une cuisine, puis voilà qu’il a commencé :