Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pure et sans profondeur où un petit poisson posé à plat se déplaçait par des mouvements réguliers en arrière et en avant comme une navette ; mais qui se troublait vite à cause de la vase quand on marchait dedans, comme il fallait bien faire, si on voulait aller plus loin. On devait ôter ses souliers, si on voulait pousser jusqu’à la falaise et à son sommet qui est un beau point de vue ; et, parmi le gravier brûlant, toute sorte de touffes épineuses, jusqu’à la mousse verte, et à son épaisseur humide sous les grands sapins de là-haut. Là-haut sont les Grands Bois, comme on les nomme, bien que pas très grands, mais très épais et du côté de la Bourdonnette singulièrement précipitueux et accidentés, tandis que du côté du lac ils se penchent sur le vide : — pleins de couples amoureux et de promeneurs le dimanche.

De là-haut, on voyait très bien la maison de Rouge.

On était juste au-dessus d’elle, quand on se tournait vers le couchant. Son toit de deux couleurs, mi-tuiles, mi-carton bitumé, avait l’air posé à même le sable. Il semblait qu’en sautant on fût tombé dans l’un des deux bateaux, comme s’ils avaient été mis là tout exprès pour vous recevoir. On voyait aussi très bien Rouge, quand il allait et venait sur la grève. Ce matin, en particulier, on le voyait parfaitement ou on aurait pu parfaitement le voir : c’était après que Décosterd et lui étaient revenus de la pêche.

Rouge était devant sa maison avec Décosterd ; il était petit et gros, Décosterd plus grand, plus maigre.