Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/82

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qu’elle était là (quelques-uns du moins qui savaient), mais on voyait que les contrevents étaient tirés. Marguerite venait de redescendre. Et Milliquet allait l’aborder quand il a été appelé lui-même par sa femme, comme Marguerite entend encore et Marguerite entend ensuite le bruit d’une discussion dans l’escalier ; mais là-haut toujours rien ne bouge, tandis que Marguerite était venue sur la terrasse où elle voit le Savoyard dans un coin tourner vers elle ses yeux brillants sous la visière de sa casquette. Le Savoyard lui fait signe qu’il n’a rien à boire, puis s’accoude sans rien dire et met ses mains sous son menton. Il devait être dix heures.

Elle lui avait dit : « Que prenez-vous ? » il n’avait rien répondu.

Elle lui apporte au hasard trois décis de petit vieux, n’ayant pas eu le temps d’attendre qu’il fût d’humeur à se décider, les pose avec un verre devant lui ; et elle rentrait en courant quand elle est attrapée par le bras ; c’était Milliquet, la figure défaite (pendant qu’une porte bat au premier).

— Dépêchez-vous d’aller servir, et puis écoutez-moi bien : si, cette fois, elle ne descend pas, vous lui direz que je monte… Si elle n’est pas là dans cinq minutes. Et que ça ne se passera pas cette fois-ci comme les autres.

Il l’avait tirée dans un coin et lui parlait de tout près en levant le doigt :

— Elle aura beau s’enfermer à clé ; j’enfonce la porte. Je lui fais honte devant le monde.