Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/98

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rouge continuait à être éclairée bien qu’il tournât le dos au soleil qui n’était d’ailleurs pas encore sorti de derrière la grande chaîne, où il faut d’abord qu’il grimpe longtemps sur les mains et les genoux.

Décosterd s’en allait déjà, dans son gilet à manches et à dos de lustrine qui se mettent à briller, tout penché en avant, avec ses bras trop longs et ses longues jambes maigres ; Rouge, lui, revenait sur la pointe des pieds. Il avait beau être en pantoufles, son poids seul était suffisant pour faire basculer avec bruit les galets, comme il le savait d’expérience, c’est pourquoi il n’avançait un pied que lorsqu’il était sûr que l’autre avait trouvé la bonne position. Il entre dans la cuisine ; il écoute, on n’entendait rien.

Il se disait : « Faut-il que je fasse le café tout de suite ou bien que j’attende qu’elle soit levée ?… » Il calculait ; il se disait : « Décosterd sera rentré dans vingt minutes, une demi-heure tout au plus, est-ce qu’il faut que j’attende qu’il soit rentré ?… »

Il n’avait pas osé s’asseoir, craignant de faire du bruit en tirant le banc de dessous la table. Il restait debout. Il frotte une allumette pour allumer le réchaud, puis l’a éteinte sans avoir mis le feu à la mèche.

Il sort de nouveau.

Il sort afin de voir si Décosterd ne serait peut-être pas en vue, bien qu’il eût été tout à fait impossible que Décosterd fût déjà de retour ; il s’est avancé jusqu’à l’eau, la tête tournée