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LA GRANDE PEUR

Le commencement de l’affaire avait été cette conversation que le Président avait eue avec son cousin à Noël ; et, en effet, l’opposition n’avait pas été aussi forte que le Président, qui était un peu timide de caractère, ne l’avait craint. Tout ce qui avait moins de quarante ans lui avait dit :

— Oh ! si vous avez quelqu’un !… On y aurait pensé déjà comme vous, mais justement l’ennui c’est qu’on ne voyait personne. Vous savez, ces histoires… Ça avait fait du bruit… Mais si vous avez à présent quelqu’un et quelqu’un de sûr, et quelqu’un de bien garanti, nous, on est d’accord, on vote pour…

Il se passa un mois, deux mois ; le Président continuait à entretenir avec prudence de son projet les personnes que l’occasion mettait sur son chemin ; quelques-unes hochaient la tête, mais la plupart n’objectaient pas grand’chose ; on voyait que ces vieilles histoires d’il y a vingt ans étaient déjà bien oubliées, en effet ; et, finalement, le Président n’eut qu’un petit calcul à faire : celui-ci pour et celui-ci pour, et celui-là contre ; ce qui lui a donné un total d’une part et un autre total de l’autre, deux totaux sans guère de peine, d’abord dans sa tête,