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LA GRANDE PEUR

parlé le premier, ayant fait d’abord bouger un moment en silence sa grosse barbe.

On l’avait vu ensuite hocher la tête :

— Ça va être comme il y a vingt ans… Il ne doit déjà plus être bien loin…

— Taisez-vous ! a dit le maître.

Il prit une grosse poignée de branches qu’il jeta sur le feu, puis une deuxième, faisant naître une grande flamme claire qui est montée à un bon mètre du foyer en se recourbant dans le bout ; et c’était moins pour la chaleur que pour la lumière, parce qu’on prétend qu’Il n’aime pas la lumière.

Et, en effet, le maître a alors vivement regardé tout autour de lui dans la pièce ; le maître a pu voir qu’Il n’était pas là.

Ils étaient seulement les quatre, et c’était bien tout. Et, à ce moment, Barthélemy a fait encore un mouvement avec la tête :

— C’est pourtant vrai, a-t-il commencé…

Mais alors, pour le faire taire, le neveu a pris dans sa poche sa musique à bouche, pendant qu’il y avait donc le grand feu que le maître continuait d’entretenir soigneusement ; mais c’est aussi que le silence de dehors avait recommencé à venir, en même temps que la nuit était revenue ; alors on