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LA GRANDE PEUR

enroula autour de sa main blessée, de son mieux ; et la suite avait donc été qu’il était paru sur le chemin en avant du poste, sans que les hommes du poste se fussent encore aperçu de ce qui lui était arrivé.

Ils avaient seulement crié : « Halte !… » ils avaient crié : « Halte ! ou on fait feu ! » puis ils avaient reconnu Romain ; — ils abaissent leurs armes, ils crient : « Qu’est-ce qu’il y a, Romain ? D’où viens-tu ? »

Il ne leur répondit rien. Il continuait de venir. Alors on a vu son épaule nue. Alors, aussi, on a vu qu’il était entièrement peint en rouge, la poitrine, les joues, le front, les jambes, le pantalon, jusqu’à ses souliers ; enfin ce fut cette main qu’il tenait levée, avec son autre bonne main, comme une lampe, devant lui.

On l’a assis dans le poste ; Compondu disait :

— Il faudrait avoir des toiles d’araignée, il n’y a rien de meilleur pour arrêter le sang…

Mais Romain n’a pas voulu qu’on le touche. Il disait : « Non ! non ! laissez-moi tranquille ! » Il n’a pas voulu qu’on touche à son bandage ; dès qu’on parlait de le faire, il se mettait à pleurer. On n’avait donc pu que le