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DANS LA MONTAGNE

faire asseoir et le faire boire ; il y avait de l’eau-de-cerises toute jeune dans une gourde, c’est-à-dire de la très forte ; on est venu avec la gourde, on lui disait :

— Ça va mieux ?

Il tenait toujours sa main levée devant lui, on lui tenait le goulot de la gourde entre les dents.

— Encore une gorgée ? Ça va mieux ?

Et lui, mettait sa tête en avant pour avaler, mais il secouait la tête ; puis, comme on lui demandait : « Alors qu’est-ce qui est arrivé ? raconte-nous, » il l’a secouée de nouveau.

Et on n’a rien su que beaucoup plus tard, pendant que pour le moment on l’emmenait, et deux des hommes du poste l’ont accompagné jusqu’au village, le soutenant chacun sous un bras ; — ainsi ce nouveau malheur descendait maintenant vers nous.

Il y avait toujours cette main levée ; le sang avait séché, le sang avait durci à l’air sur le bandage ; Romain tenait à présent devant lui une main noire ; et c’est le signe de cette main qu’on a eu vite fait de voir, quand il s’est montré devant nous.

Une fenêtre, une autre ; celles qui regardent vers le chemin, celles qui sont tour-