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DANS LA MONTAGNE

ont passé encore, et le petit Ernest allait mal, et la blessure de Romain s’était mise à suppurer.

Deux jours passèrent donc ; ce troisième jour, elle avait mis le ménage en ordre, comme d’ordinaire ; ensuite elle a dit à son père, qui se tenait assis sans parler dans la cuisine, qu’elle allait chez une de ses amies.

Il n’a rien répondu ; il s’est contenté de hocher la tête dans son coin.

Il sentait tristement le poids de l’âge être sur lui, le condamnant à l’impuissance, de sorte qu’il ne sortait plus guère, même quand, comme ce soir-là, personne ne semblait songer à dormir au village ; car, plus encore que pendant la journée, les discussions allaient leur train dans les rues et aussi dans la salle à boire dont les fenêtres ouvertes laissaient venir jusqu’à vous un bruit de voix, mêlé à des coups de poing donnés sur les tables. D’où des difficultés pour Victorine, quand même ; et, la première, comme elle voyait, serait de traverser la rue, le fenil où elle avait caché son panier se trouvant de l’autre côté. Mais, une fois qu’elle eut mis la clé de la maison sous la planchette, elle a vu que le plus simple