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LA GRANDE PEUR

d’un trait vif, puis allait se mettre la tête en avant sous un surplombement de la rive, se laissant balancer, immobile, dans le mouvement de l’eau. Victorine a eu l’air de s’arrêter, pour regarder la truite, tandis qu’elle mesurait la hauteur de la berge qui dépassait de plus d’un mètre la surface du courant. Il y avait, à sa partie supérieure, une bonne épaisseur de terre végétale où on voyait pendre par touffes les racines du chiendent ; dessous venait une couche de sable, puis une couche de cailloux ; enfin venaient en pente douce les bancs de gravier et de vase apportés par la rivière et que l’eau avait laissés à découvert en se retirant. Elle n’aurait qu’à les remonter ; c’est ce que Romain avait dû faire.

Elle a vu que c’était possible et même facile. De place en place, un gros quartier de roc permettait de se tenir debout et de se reposer un moment. Et le torrent coulait à ciel libre encore un bout, plus en amont : puis les pentes se rapprochaient, les arbres venaient vous cacher ; — plus loin, pensait-elle, elle se tirerait toujours d’affaire…

Tout fut bien calculé par elle, du moins dans les commencements du trajet qu’elle avait à faire ; à la suite de quoi, deux jours