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DANS LA MONTAGNE

serait venu, elle est assise dans le foin ; de temps en temps, quand on passait devant le fenil, elle portait vite en avant sa figure, mettant son regard dans une des fentes ; — ainsi elle avait vu que la cuisine s’était éteinte, que son père avait été se coucher ; mais on continuait à passer dans la rue, c’est pourquoi elle a dû attendre que onze heures, qui est l’heure de la fermeture de l’auberge en semaine, aient été sonnées par l’horloge ; alors le gros des voix des gens qui sortaient de la salle à boire s’est fait entendre longtemps, avec des portes qui retombent, des clés grinçant dans les serrures.

Elle a attendu encore ; maintenant il ne devait plus être loin de minuit. Elle se disait : « J’arriverai avec le matin. » Elle sort la tête hors de l’ouverture du fenil, elle regarde à droite à gauche, elle fait alors passer son corps, s’assied dans le cadre de la porte, saute ; — elle tire à elle son panier, elle referme la porte à claire-voie.

Elle eut de la chance, elle ne rencontra personne. Elle fit tout le tour du village ; nulle part, elle n’avait été vue, ni même dans l’espace de prés à découvert qu’il lui avait fallu traverser pour finir. Elle était arrivée