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LA GRANDE PEUR

venaient en avant et se mettaient en travers de votre chemin, de sorte qu’il fallait redescendre, puis on recommençait à monter. On a passé devant une petite réunion de fenils qui vous ont regardé venir, se taisant pour vous regarder venir ; après quoi, ils ont été se serrer les uns contre les autres, comme pour se dire des choses. On y voyait encore un peu ici, à cause des étoiles et à cause de l’assez grande largeur du ciel. Mais voilà que bientôt les bords de la vallée se sont rapprochés, en même temps qu’on a vu s’avancer à votre rencontre une espèce de nouvelle nuit plus noire, mise dans le bas de l’autre comme pour vous empêcher de passer. Le Président leva sa lanterne, qui était une lanterne à vitres carrées laissant sortir une bande de lumière sur son devant et sur chacun de ses côtés : on a vu chacune de ces bandes s’allonger : l’une frappant en face de vous la pente raide où les pierres ont eu une ombre, les deux autres faisant venir à droite et à gauche les troncs rouges des pins qui semblaient avoir été cassés à une faible hauteur au-dessus du sol par le vent. On a commencé à cheminer entre ces tronçons de colonnes comme dans un corridor de cave, qui était fait par la lanterne,