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LA GRANDE PEUR

bleu dedans. Son passage là est resté marqué par des points faits avec un fil de couleur dans cette belle toile neuve, puis il arrive à un autre champ de neige s’étendant à plat, où il y a des papillons qui sont tombés, de tout petits papillons rose clair, qui sont chacun au fond d’un trou, parce que la neige a fondu sous eux. Joseph marcha plus difficilement, plus lentement, enfonçant jusqu’au genou. À main droite et à sa hauteur, dans le prolongement même du névé qu’il traversait, une première crevasse largement ouverte et qu’on pouvait sonder de l’œil, à cause de son inclinaison, marquait le point de rupture du glacier. Plus en arrière, celui-ci s’élevait en pente douce jusqu’à une sorte de col qui s’ouvrait sur le ciel ; et c’est là qu’on a vu paraître enfin le soleil : un soleil comme vu à travers du papier huilé, qui a été vu, qui ne l’est plus ; — qui paraît, qui a disparu. C’est qu’une arête noire était venue se mettre entre lui et vous ; entre lui et Joseph, il y avait eu cette nouvelle barrière à la rencontre de laquelle Joseph allait. On ne sait toujours pas où il va. C’était une levée de rocs noire d’humidité et frangée de blanc dans le haut, et toujours personne. Personne ne semble être venu ici