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DANS LA MONTAGNE

depuis les commencements de la terre et n’y avoir jamais rien dérangé, sauf qu’à présent un homme continuait d’écrire les preuves de son existence, comme quand on met des lettres l’une à côté de l’autre, pour une phrase, puis encore une phrase, dérangeant ainsi le premier la belle page blanche par ses traces qui se voyaient de loin. Où est-ce qu’il va ? De nouveau, on se demandait : « Où est-ce qu’il peut bien aller ? » car il ne semblait pas qu’il pût y avoir sur ce point aucun passage, pourtant Joseph allait toujours. Et, un instant après, en effet, on a compris ; il n’y a eu qu’à prolonger de l’œil la ligne déjà tracée par Joseph pour qu’on la vît venir se heurter à la partie d’en bas d’une sorte de long et étroit couloir rempli de neige, aboutissant dans le haut à une entaille carrée : une fenêtre, tout à fait une fenêtre par la forme, avec une vitre de ciel, et on l’appelle la Fenêtre du Chamois. C’était là-haut, entre deux dents, et le couloir qui y menait montait directement, mis debout avec sa blancheur contre la paroi, comme une échelle. Le Pas du Chamois, c’est le nom qu’il a, et en haut du pas est la Fenêtre du Chamois, qui est le nom qu’on lui donne ; qui est le nom qui lui a été donné par les