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LA GRANDE PEUR

Comme s’il se réveillait, comme s’il commençait seulement à comprendre ; s’étant, en même temps, tiré en arrière, mis debout.

Cette main toute froide, cette main comme de la pierre, au lieu qu’elles étaient si bonnes chaudes avant, si douces à tenir avant…

— Ce n’est plus elle ; on me l’a changée.

Il est sorti sans se retourner.

« Alors, nous, qu’est-ce que vous vouliez qu’on fasse ?… Il sortait avec sa carabine. Nous, on était peut-être bien une trentaine d’hommes, il s’est tourné vers nous, mais il ne nous a pas aperçus tout de suite, parce qu’on n’était pas venus jusque devant la maison et c’est plus haut dans la ruelle qu’on se tenait. Il nous a dit : « Oh ! n’ayez pas peur, je m’en vais… » Il a remis son chapeau sur sa tête. « Il ne faut pas que vous vous gêniez à cause de moi, je sais ce que c’est, je m’en vais, mais j’avais d’abord une chose à faire, et, cette chose, je l’ai faite, alors tout va bien… » Puis, de nouveau : « Adieu, adieu à vous aussi, » pendant qu’il descendait les marches du perron, nous tournant le dos. Qu’est-ce que vous vouliez qu’on fasse ? Il n’y avait personne devant lui