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DANS LA MONTAGNE

moment sur leur train de devant, puis retombaient ; — alors meuglaient aussi et alors appelaient, parce que, quand la bête a peur, elle cherche l’homme, et l’appelle. C’est cet avant-dernier jour, au matin ; et d’abord Barthélemy s’était tourné encore vers le maître, puis : « Eh ! » tâchant de se faire entendre pour une chose qu’il aurait eue à dire, mais il n’a pas été entendu. Et on ne le regarde pas, de sorte qu’il a pu aller sans être vu à une des bêtes et à la suivante, n’ayant pas voulu attendre qu’elles se fussent rassemblées comme la veille, parce qu’il se rappelait sa honte.

Il s’accroupissait sous l’une des bêtes, il s’accroupissait plus loin sous une autre, dans la belle herbe qui penchait, parmi les jolies fleurs d’ici qui étaient fanées et ternies ; ainsi il s’était écarté de plus en plus du chalet, ce matin-là, le matin de l’avant-dernier jour, dans le même temps que Joseph passait par-dessus la chaîne.

L’odeur de la mort continuait à vous venir, et le silence de la mort à régner autour de vous. Seule, de temps en temps, une sonnaille essayait de le rompre, mais déjà elle se taisait. Barthélemy maintenant venait de traire la dernière des bêtes, ayant laissé sous