Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
LA GRANDE PEUR

s’arrête presque ; ainsi le temps s’écoulait peu à peu, ainsi venaient déjà les heures d’avant le jour, ainsi cette dernière nuit était presque finie : « Ce n’est plus elle, non, mon Dieu ! alors qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? » cependant que l’habitude lui faisait faire en sens inverse le chemin fait par lui la veille.

Plus ou moins vite, et avec des arrêts, selon les mouvements de son cœur ; poussé par lui en avant, puis retenu ; — de temps en temps, il tendait le bras : on l’entendait alors parler à haute voix.

Il était arrivé de l’autre côté du col ayant pris de nouveau sur sa droite, il s’est mis de nouveau à longer les arêtes à mi-flanc.

De nouveau, il laissait au-dessous de lui les chalets sous leurs toits qui semblaient posés à même le sol d’où il se trouvait ; il a passé plus haut que les troupeaux pas encore éveillés dans les fonds, et là se tiennent aussi les hommes ; il a passé plus haut que les troupeaux et que les hommes ; de plus en plus, il les a laissé s’enfoncer au-dessous de lui, — étant seul, de plus en plus seul ; étant seul à présent comme il n’avait jamais été.