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DANS LA MONTAGNE

l’oiseau quand il plane, quand il a les ailes ouvertes, quand il se tient à plat dans l’air en faisant des cercles.

La sueur commençait à lui mouiller les paupières et lui entrait dans le regard avec son sel. Joseph respirait difficilement. Il voit tout le glacier qui a commencé à faire un mouvement avec son dos de haut en bas, dans le sens de sa longueur, comme quand le serpent rampe. En même temps, la moraine s’est mise à balancer ; toute la grande paroi où il se tenait, comme le marin en haut de son mât, balance. Joseph s’y est cramponné des deux mains, mais inutilement, parce qu’elle va en arrière, elle vient en avant. Il s’est trouvé à un moment donné surplomber le vide, au fond duquel des vagues comme celles de la mer roulaient l’une au-dessus de l’autre avec leur écume ; et est-ce à présent qu’on rêve et avant on ne rêvait pas, ou le contraire ? comme il cherche à se dire encore, se cramponnant toujours au roc qui a été amené en arrière, de sorte qu’un instant la vue sur le glacier lui fut retirée, mais le mouvement contraire la lui ramenait déjà.

Peut-être qu’on rêvait avant et on rêve encore à présent.