Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
245
DANS LA MONTAGNE

Il voyait maintenant monter rapidement à lui le fond d’herbe du pâturage, où le torrent, craché par une dernière crevasse, commence à couler parmi les cailloux. Et c’est vers ce point qu’il visait, quand de nouveau la voix est venue ; elle lui a paru alors avoir changé de direction, en même temps qu’elle s’était rapprochée.

Il n’a pas pu s’empêcher de se tourner du côté d’où elle venait ; elle venait de derrière lui et on s’était rapproché singulièrement, en effet. On riait toujours en ouvrant la bouche. Il voit Clou (si c’était bien Clou) avec son sac et son bâton, les épaules en avant, et un seul œil sous le chapeau, qui se trouvait être à présent entre le glacier et Joseph, ayant pris de l’avance, et là grandissait, grandissait encore, puis lève les bras. Il ne posait plus sur le sol. Il est devenu beaucoup plus grand que sa taille naturelle. Il venait dans l’air, devant le glacier ; et riait. Il ne disait rien, il disait : « Oh ! tu as beau faire ! » il se tenait maintenant entre le glacier et Joseph, comme pour couper le chemin à Joseph, — pendant qu’on voyait le glacier bouger encore une fois et se soulever d’un bout à l’autre, aller tout entier en avant, puis il craque ; et le