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LA GRANDE PEUR

craquement a parcouru dans toute leur hauteur les glaces ; — alors Joseph repart, prenant cette fois la pente de flanc, mais on a ri. On lui criait : « Attention ! » En effet, il a vu qu’il ne va pas pouvoir pousser beaucoup plus loin dans cette direction, à cause d’une paroi qui se trouve sur son chemin ; et Joseph recommence à descendre : mais l’autre alors a été devant lui. Il devenait grand comme un nuage.

Il ouvre les bras :

— Ah ! te voilà… Je savais bien.

Joseph a voulu crier, il sent sa voix qui lui râpe la gorge.

— Va… va-t’en !…

Puis : « Ah ! tu ne veux pas ! » et la voix lui est revenue : c’est qu’il vient de penser à sa carabine ; il s’arrête, il fait venir la culasse en arrière, il met une cartouche dans le canon.

On ne s’arrêtait pourtant pas. On continuait à monter vers lui.

Et lui n’a levé les yeux de nouveau qu’en même temps qu’il portait sa carabine à l’épaule, mais alors il a pu voir que la cible était toute proche, ayant encore énormément grandi ; il n’a eu que le temps de tirer.

On n’a fait que rire plus fort.