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DANS LA MONTAGNE

Président, le Président lui-même, et nous : nous tous ensemble, ayant roulé à terre, les uns sur le dos, les autres sur le ventre, pendant qu’on se tapait au hasard dessus, pendant que les poings se levaient et quelques-uns levaient leurs croix. Puis il y a eu un temps d’arrêt, comme il arrive toujours dans le désordre : voilà alors le Président et ses amis qui se relèvent, ils courent en bas de la rue, ils courent jusqu’à l’auberge, tout en soutenant Compondu qui était couvert de sang ; ils arrivent devant la porte de l’auberge, ils entrent.

Ils ferment la porte de l’auberge derrière eux, ils tournent la clé dans la serrure.

C’était plein de femmes aux fenêtres ; on criait à toutes les fenêtres et sur les perrons. On sonnait pour les morts dans le clocher. On arrive à notre tour devant l’auberge : on s’est jeté contre la porte. Eux, derrière la porte, entassaient les bancs et les tables.

On a défoncé la fenêtre avec nos croix, mais eux avaient déjà bouché la fenêtre. On va de nouveau contre la porte, on disait : « Il faudrait une poutre, il faudrait une forte poutre… »

On sonnait pour les morts ; on a lancé des pierres dans les vitres du premier étage