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Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/33

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DANS LA MONTAGNE

chèvre qui a battu dans l’air par petits coups rapides, à deux ou trois reprises ; puis le torrent s’est remis à son discours qu’il ne va plus interrompre jusqu’au matin. Joseph a écouté le torrent qui venait, qui est revenu avec ses longues phrases dites à mi-voix, toujours les mêmes ; — maintenant c’était lui qui attendait qu’elle parlât, et elle ne parlait toujours pas.

— Alors quoi ? Victorine. Victorine, tu es fâchée ?… Ça ne fera jamais que trois mois, Victorine, et, si tu ne veux pas, trouve un autre moyen… Victorine, tu ne dis rien ?…

Il a voulu lui prendre la main, elle a retiré sa main.

— Victorine, tu boudes ?

Il a voulu se rapprocher d’elle, elle a fait un mouvement pour s’écarter de lui.

— C’est vrai ? tu es fâchée ? Eh bien, on n’aura qu’à renoncer à se marier pour le moment. Tu sais qu’ici l’argent ne vient pas vite ; j’ai bien réfléchi, je t’assure, et ça ne m’amuse pas non plus d’aller là-haut, je t’assure, mais c’est pour toi, je veux dire que c’est pour nous, c’est pour nous deux… Moi, vois-tu, quand je parle de toi, je parle de moi en même temps ; quand je parle