Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
LA GRANDE PEUR

de moi, c’est de toi que je parle ; on n’est plus qu’un, ou quoi ? Victorine, les deux…

— Oh ! oui, a-t-elle dit, mais… oh !…

L’herbe a été alors toute mouillée, comme il a senti sous sa main, et sa voix à elle s’est mise à trembler :

— Oh ! pas là-haut, parce que…

Puis sa voix a cassé tout à fait, comme quand le fil n’est plus assez fort.

— À cause de quoi ?

— Tu sais bien.

— Tais-toi, Victorine…

C’était à son tour d’être un peu fâché :

— Des histoires, tout ça ! personne n’y croit plus…

Il lui avait mis la main sur l’épaule ; il la tire doucement à lui ; il lui dit :

— Allons, sois raisonnable…

Il tend la main dans l’ombre, il pose sa main sur l’étoffe de son caraco de coton, il sent que c’est rond sous l’étoffe. Il sent que c’est rond et chaud sous l’étoffe, dans la fraîcheur de l’air qui fraîchit toujours plus ; une première étoile, seule encore, s’était ouverte au-dessus de la montagne.

C’était chaud et rond sous sa main ; et cette chose ronde et chaude a bougé un ins-