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DANS LA MONTAGNE

heures que personne n’avait songé encore à tirer la sienne de sa poche. C’est pourquoi il leur a fallu se dépêcher. Joseph avait accompagné Victorine jusqu’en haut des premiers lacets ; puis, là, il s’était assis, la suivant des yeux, tandis qu’elle se hâtait de descendre, se tournant vers lui à chaque contour.

Elle le cherchait, elle aussi, des yeux : lui les baissait chaque fois un peu plus ; elle, elle devait les lever un peu plus chaque fois.

Elle descendait, il restait assis, elle courait un bout de chemin ; elle s’arrêtait, elle se tournait vers lui, elle agitait son mouchoir.

Elle est devenue toujours plus petite, puis elle est arrivée à un endroit où le chemin recommence à aller à plat pour s’enfoncer un peu plus loin derrière un avancement de la pente ; là il l’a vue encore, puis il ne l’a plus vue.

Là, il l’a vue pour la dernière fois ; là, pour la dernière fois, elle s’était retournée ; après quoi, on n’a plus aperçu que la moitié d’en haut de son corps, puis ses épaules seulement ; puis seulement son bras et sa tête, avec une main qu’elle lève encore.