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LA GRANDE PEUR

une civière, et, nous, on n’était plus que trois. On n’était au chalet que les trois ; alors je dis : « Il faut fermer la porte ; » elle était sans serrure. Elle n’avait pas plus qu’à présent de serrure, ni de clé, ni même de verrou. Je dis : « Il faut l’attacher avec une corde. » Je vais chercher la corde, mais les deux autres se lèvent, parce qu’ils étaient fâchés, — ils étaient fâchés je ne sais pas de quoi, mais ils étaient fâchés. Ils m’ont dit : « Pas de ça ! » Je dis : « Comme vous voudrez. » N’empêche que c’est le dernier soir qu’on a passé ici, et un peu plus tard ils ont pu voir qui avait raison d’eux ou de moi. Il leur a bien fallu entendre. Ils s’étaient mis assis, puis les voilà qui se tournent du côté du mur, ils se cachent la figure sous leur couverture ; ils se font tout petits, ils se roulent en boule dans la paille et sous les couvertures ; moi j’écoute. On marchait sur le toit. Je dis : « Hein ? eh bien, la corde ? » mais voilà qu’à ce moment on saute en bas du toit. J’arrive comme on allait entrer. J’ai eu juste le temps de donner dans la porte un coup d’épaule au moment où elle s’ouvrait, et puis je l’ai calée dans le bas avec le pied, seulement il m’a fallu la tenir jusqu’au matin, et j’ai été seul à la tenir jusqu’au