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LA GRANDE PEUR

Mais elle était trop agitée pour attendre. Et elle revint à dix heures, à dix heures et demie, à onze, à onze heures et demie, à midi : Romain n’était toujours pas arrivé.

Non, d’ailleurs, qu’il se fût rien passé de grave, mais c’est qu’il avait volé à son père un vieux fusil de chasse qu’il avait été cacher, le jour de la montée, non loin du chemin, sous des feuilles sèches, comptant bien l’y reprendre dès que l’occasion s’en présenterait, et l’occasion s’en présentait. À la descente déjà, la tentation avait été trop forte, bien que Romain par prudence ne comptât se servir de son arme qu’en remontant ; et ainsi il avait perdu près de trois heures, parce qu’il y a des écureuils, et il y a parfois des lièvres, mais, à défaut de lièvres, il y a des écureuils, il y a des geais, des pigeons. Il avait attaché le mulet par la bride à un tronc de mélèze, et : « Toi, tu vas rester là, » ayant été fouiller ensuite sous les feuilles, dans une fente de rocher où était l’arme, avec une poire à poudre, de la grenaille et des capsules dans une boîte en fer-blanc, car c’était un vieux fusil à chien, mais ça n’empêche pas ; puis il s’est glissé sans faire de bruit d’un arbre à l’autre, levant la tête vers ces puits en hauteur qu’il