Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
DANS LA MONTAGNE

pour elle la lettre qu’elle comptait lui remettre. Il ne se passa rien d’important jusqu’à ce samedi-là ; et la lettre de Victorine était prête depuis deux ou trois jours déjà, qui était une longue lettre, où elle avait pourtant laissé une place vide, comptant la remplir au dernier moment.

Le samedi, dès les sept heures et demie, elle était dans la boutique. Romailler s’est mis à rire derrière le comptoir en la voyant entrer.

— Tiens ! tu es déjà levée.

Il riait dans sa barbe noire, les mains dans les poches, en avant des piles de morceaux de savon et des pièces de drap qui garnissaient les rayons en étages derrière lui.

— Voyons, disait Romailler, de toute façon, ils ne peuvent pas être là avant dix heures…

Parlant de Romain et du mulet, parce qu’elle s’inquiétait déjà : parlant de Romain et du mulet au pluriel, parce qu’ils devaient venir ensemble :

— Alors, repasse un peu après dix heures… Ou bien est-ce que tu veux l’attendre ?…

Ne parlant plus que de Romain.

— Voilà une chaise, mets-toi là…