Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/189

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Qui brise, en trépignant, les bancs de son théâtre,
Qu’en va-t-il retirer ? rien : et mourant de faim,
La misère bientôt à ses jours mettra fin,
Si Pâris, prévenant un destin si funeste,
Pour les jeux du préteur n’achète son Oreste ;
Pâris qui, transformant les auteurs en guerriers,
Leur donne l’anneau d’or, en fait des chevaliers !
Ce que les grands n’ont droit d’accorder à personne,
Ce qu’ils ne donnent pas, un histrion le donne.
Pourquoi des Baréas mendier les bienfaits ?
Progné fait des tribuns, Agave des préfets.
Gardons-nous toutefois d’envier au poète,
Un pain que le talent à si grands frais achète.
Dans Rome maintenant où sont les Laelius,
Les Pison, les Cotta, les Proculéius ?
La récompense alors égalait le génie :
Alors s’abandonnant à sa docte manie,
Le poète sevré du vin et des plaisirs,
Voyait fructifier ses immortels loisirs.

Du grave historien le labeur plus utile.
Sans doute à nos auteurs ouvre un champ moins stérile ?
L’histoire veut du temps, de l’assiduité ;
C’est là qu’avec effort, longuement enfanté,
Sous l’austère burin, un éternel ouvrage
Enfle, augmente, s’élève à la millième page ;
C’est là qu’un écrivain se ruine en papier.
Que lui vaut, cependant, cet aride métier ?
En connaît-on un seul, à qui, pour son salaire,
On voulût accorder ce qu’on paye au notaire ?
Mais ce genre d’ouvrage, à l’ombre, sur un lit,
Dans un calme indolent, sans fatigue s’écrit.

Passons donc au Forum : voyons quelle fortune
A ceux que des plaideurs la cohue importune,
Rapportent du barreau les éloquents débats,
Et ces sacs de papiers qu’ils traînent sur leurs pas.