Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et dans le Lauréole, avec non moins de grâces,
On a vu Lentulus, suivant ses nobles traces,
Sur la croix sans pudeur dans son rôle étendu ;
Supplice, à mon avis, qui lui serait bien dû.
Et le peuple lui-même est-il digne d’excuse,
Ce peuple dégradé qu’un tel spectacle amuse,
Que l’on voit applaudir aux lazzi des Plancus,
Et qui rit des soufflets donnés aux Mamercus ?
Ils se vendent ; combien ? n’importe : ni Tibère
Ni Néron ne les force à se mettre à l’enchère ;
C’est librement qu’ils vont s’engager au préteur.
Quel homme cependant, placé par la terreur
Entre de vils tréteaux et la mort toute prête,
N’irait pas sous le fer porter cent fois sa tête,
Plutôt que de venir au public rassemblé,
Montrer l’amant jaloux de quelque Thymelé ?
Mais pourquoi non ? un grand ne peut-il donc sans crime,
Sous un prince chanteur, jouer la pantomime ?
Ce n’est qu’un ridicule, et qui n’est plus nouveau.
Un trait plus révoltant manquait à ce tableau :
La noblesse exercée à l’art gladiatoire !
Eh bien ! ce beau talent met le comble à sa gloire.
Gracchus, de ses aïeux dépouillent la fierté,
Vient briguer dans le cirque un laurier effronté.
Il arrive sans faulx, sans bouclier, sans casque :
Gracchus s’indignerait de lutter sous le masque.
Le filet d’une main, de l’autre le trident,
A-t-il manqué son coup ? rétiaire impudent,
Il fuit, la tête haute, et se fait reconnaître.
C’est lui, n’en doutons pas, que nous voyons paraître,
C’est sa toge, sa mitre et ses riches bandeaux.
Le mirmillon forcé de souffrir ses assauts,
Rougirait d’une entière et sanglante défaite,
Moins que d’avoir lutté contre un pareil athlète.


Si Rome de ses chefs avait encore le choix