Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
LE RAISIN VERT

tarte et au rayon de miel. Les cuillers à thé tintaient dans les tasses et de nouveau, le phénix rayonnait, invisible, au fond de cette poitrine de fillette dont Isabelle disait en bougonnant qu’on lui compterait les côtes.

« Avez-vous remarqué, maman, le sourire de cette petite fille ? »

— Eh bien ! demanda Isabelle. Tu as fait une belle promenade, mon Corbiau ?

Le Corbiau leva des yeux illuminés. Elle voudrait partager sa joie avec les siens, elle va tout leur dire.

— Une très belle promenade. D’abord, je me suis perdue dans le village et j’ai tourné je ne sais combien de fois autour de l’auberge. Ensuite j’ai pris un chemin montant qui mène à une falaise de rochers, à pic au-dessus de la mer. Et là, j’ai rencontré une vieille dame et un monsieur. Le monsieur… avait des cheveux gris et des yeux très clairs. Il a dit… que j’étais une jeune fille très distraite parce que je n’entendais pas que la dame me demandait le passage. Après il a dit… je ne sais plus quoi, une fois qu’il était passé. Et après, je suis allée voir leur maison, qui est une espèce de chalet normand. Puis, je suis revenue.

Et tandis qu’elle parle, il lui semble que sa poitrine se vide. Impossible de communiquer cette joie. Dès que les mots essaient de la saisir, elle fuit. Pourvu qu’ils n’aient rien deviné…

— Nous les avons rencontrés aussi, tes gens, Lise et moi, dit Laurent. Une très vieille dame et un vieux type, mais moins vieux qu’elle tout de même, qui doit être son fils.

— Vieux ? répète une petite voix sans timbre, avec un accent d’étonnement illimité.

Et la voix aiguë et prompte de Lise :

— Oui, vieux, les cheveux tout gris. Mais chic, un chic costume de flanelle. C’est le médecin de l’endroit. J’ai entendu qu’on l’appelait docteur et j’ai