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LE RAISIN VERT

semant l’étang noir de blancs esquifs, Lise se persuada qu’elle avait entendu l’imperceptible soupir, comme un murmure de plumes arrachées, qui s’était perdu dans la confusion des voix et des rires.

Un attendrissement singulier l’envahit. Elle rejoignit le Corbiau qui se tenait dans l’embrasure d’une fenêtre et l’embrassa de tout son cœur.

— Tu n’as pas l’air en train, chuchota-t-elle. Écoute, je sais ce que c’est. Tu attendais quelque chose d’extraordinaire, ce matin, et rien n’est venu. Eh bien, je vais te dire la vérité : moi non plus. Mais qu’est-ce que ça prouve ? Ni pour, ni contre, si tu veux mon avis.

« Et maintenant, Corbiau, l’avenir est à nous. L’avenir, pense donc, l’avenir ! Tu ne trouves pas ça inouï ? Comment est-ce que tu te le figures, l’avenir ? »

Le Corbiau tourna ses larges yeux vers sa sœur adoptive, et, comme elle allait répondre, un furieux carillon éclata dans l’antichambre. On sentait à l’obstination du carillonneur qu’il se vengeait en une fois, par ce petit moyen, de toutes ses grandes défaites.

Et la consternation qui s’empara des Durras, au milieu de leurs invités abasourdis, emporta dans son cours les mots que le Corbiau n’avait pas prononcés.