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LE RAISIN VERT

— Et Marie Petipas ? Raconte-moi comment est morte Marie Petipas ?

— Mais c’est une histoire triste et tu la connais déjà.

— Je l’ai un peu oubliée. C’était une petite fille qui dormait en classe ?

— C’était une petite fille blonde, lymphatique, avec des cils pâles et de longs cheveux beiges. On a commencé à la punir parce qu’elle s’endormait sur son pupitre. Comme les punitions n’avaient pas d’effet, on lui fit passer ses récréations à la chapelle. « Je vous salue, Marie… Accordez-moi la grâce de ne plus être une vilaine paresseuse. » Mais elle s’endormait toujours en classe. Alors, un dimanche, Mlle Sibylle inventa, pour la punir, de lui faire mettre sa robe à l’envers et de lui attacher son bonnet de nuit dans le dos, pour aller à la cathédrale.

« Et comme nous montions, en rangs, vers la cathédrale, toutes les cloches sonnant à la volée, voilà que le pensionnat Sainte-Euphémie nous dépassa. C’était un pensionnat religieux où l’on n’admettait que les jeunes filles qui pouvaient justifier d’au moins quatre quartiers de noblesse. Et chaque fois que nous les croisions dans la ville, les sous-maîtresses nous disaient : « Mesdemoiselles, voici les Euphémiennes. Tenez-vous droites, pour la bonne réputation de Saint-Léger. »

« Donc, les Euphémiennes nous dépassèrent ce jour-là, et naturellement toutes se retournèrent en riant et en se poussant du coude pour regarder Marie Petipas. Quatre quartiers de noblesse ni même huit n’ont jamais barré la route à un fou rire de pensionnaire. Et comme si ce n’était pas suffisant, la sous-maîtresse éprouva le besoin d’ajouter : « Eh bien, Marie Petipas, j’espère que la leçon vous profitera. »

« En effet, la leçon profita, mais d’une manière inattendue. Le lendemain, Marie Petipas prenait le